La Clémandine, l'Abms et la mouche de l'olivier


Conte du monde moderne par Jean de l'Oliveraie et Jean de la Siagne


Il était une fois une oliveraie qui essayait de résister aux pressions économiques de la rentabilité forcenée. Devant les attaques sournoises d'un petit diptère - la mouche de l'olivier -, et faute de disposer d'une baguette magique qui la transformerait par exemple en citrouille, la plupart des oléiculteurs effectuent des traitements chimiques pour éliminer cette abominable bestiole. Elle meurt dans d'horribles souffrances après avoir ingurgité ces potions toxiques. Elle n'est pas la seule, les autres insectes qui peuplaient ce petit paradis la suivent dans un long cortège, où on rencontrera des oiseaux, des vers de toutes sortes, des papillons, et toute cette faune qui formait un équilibre naturel. Ce dernier aura été rompu par l'Homo pesticidus, un bipède qui ne se rend pas compte des risques qui le guettent.

Mais comme un chevalier blanc, Jean Tonelli de l'Oliveraie refuse de suivre cette voie polluée, sabre au clair il va rechercher d'autres renforts. Il ouvre son domaine à des scientifiques qui cherchent la petite bête pouvant réguler la population des insectes indésirables. Il en existe, notamment un hyménoptère qui adore croquer des mouches assaisonnées à l'huile d'olive. Par contre ce dernier a un cycle de reproduction compliqué qui passe par des espèces botaniques spécifiques. Nos scientifiques vont donc commencer par semer ces plantes, dont il faudra suivre l'évolution. C'est ici qu'interviennent d'autres pourfendeurs de la chimie toxique : Jean de la Siagne et les troupes de l'Abms. Après plusieurs années passées à étudier agréablement La Clémandine, un premier résultat concret est la remise d'un herbier, objet de ce compte rendu.

Remise de l'Herbier de la Clémandine

Il est possible d'être sérieux sans pour autant être tristes ! Lors de nos entrevues avec Jean Tonelli, et sous forme de boutade, nous avions évoqué la remise de l'herbier dans le futur en plaisantant sur le thème "j'apporterai les verres et toi le champagne".

Et puis au fil du temps cette idée a pris forme, une rencontre conviviale à cette occasion semblait devoir être organisée.

Lors des conversations avec Daniel, membre de notre association, habitant de St-Jeannet, il est apparu que la municipalité paraissait vouloir parler de cette activité ayant eu lieu sur la commune. Et pourquoi ne pas faire savoir ce qui se passe à St-Jeannet, d'autant plus que la préservation de la nature est un sujet d'actualité !

L'historique de cet herbier remonte à 2005, au début de l'existence de L'Association Botanique et Mycologique de la Siagne. Composée d'amateurs naturalistes de terrain, la toute jeune ABMS, a été sollicitée pour aider une jeune chercheuse à effectuer un inventaire botanique dans le cadre d'une étude scientifique.

Des semis de plantes destinées à favoriser le développement d'insectes prédateurs de la mouche de l'olivier avaient été effectués avant 2005 par le GRAB (Groupe de Recherches sur l'Agriculture Biologique). Le but étant de trouver une solution alternative à l'épandage d'insecticides.

Nous avons immédiatement saisi cette opportunité de pouvoir étudier une oliveraie conduite en agriculture biologique, et ceci, comme toutes nos actions, de manière entièrement bénévole.

Dans la foulée, avec Jean Tonelli, un accord s'est fait immédiatement afin de réaliser un inventaire naturaliste de l'ensemble du site, dans les mêmes conditions. De manière à ce que le souvenir de ces travaux reste disponible pour les générations futures, il a été décidé de confectionner un herbier.

De nombreuses visites d'étude ont eu lieu, ici nous devons remercier chaleureusement le propriétaire des lieux pour l'accueil toujours sympathique, la mise à disposition d'un local pour l'identification des espèces récoltées, et surtout la possibilité de passer des moments agréables et instructifs dans un cadre somptueux.

Petit à petit les plantes ont été empilées dans un coin, attendant d'être classées, et puis les années ont passé, l'Abms s'est développée, l'association des 5 membres fondateurs en 2005 comptait 98 cotisants en fin 2013. Autant dire que les activités ont suivi cette progression, la pile de journaux contenant les plantes séchées commençait à plier sous le poids des ans, faute de temps pour les ranger soigneusement. Il a fallu la conjonction d'une période pluvieuse, ne permettant pas d'effectuer nos sorties hebdomadaires, et le dynamisme de deux piliers, Nadine Castel et Rose-Aimée Nus, pour qu'enfin cet herbier devienne présentable.

Le résultat est tangible, nous remettons à Jean Tonelli en toute propriété, toujours de manière bénévole, un herbier de 255 plantes, disposées dans 7 classeurs, ainsi que des listes mentionnant d'autres espèces observées dans l'oliveraie, comme des insectes, papillons, oiseaux, champignons, etc…

En conclusion, nous avons la satisfaction d'avoir œuvré pour une bonne cause, les oliveraies conduites en agriculture biologique ne sont pas légions dans les Alpes-Maritimes, un peu de publicité pour celle de La Clémandine entre aussi dans le cadre de nos activités qui consistent à apprendre, puis à faire connaître la nature. Toujours en suivant le principe suivant : pour protéger la nature il faut d'abord l'apprendre !

Alors une petite "cérémonie" pour manifester notre gratitude à Jean Tonelli, et par la même occasion le soutenir dans son action de protection de la nature nous semble parfaitement justifiée.


Un commentaire plus technique :

La mouche de l'olivier : Bactrocera oleae.

La mouche de l'inule : Myopites stylatus (V7) = Myopites limbardae.

Un prédateur des deux précédentes : Eupelmus urozonus.

L'inule visqueuse : Dittrichia viscosa.

Plus de détails (Wikipedia) :

- Après la fécondation, la femelle de Bactrocera oleae pique l'olive, aspire le jus pour s'en nourrir, puis se retourne pour y déposer 1 œuf. Par une température supérieure à 25° la larve éclôt 2 jours après, au bout de 9 jours elle forme la pupe, puis 10 jours plus tard la mouche sort. Le cycle a duré 21 jours. Une mouche peut piquer jusqu'à 400 olives, il peut y avoir 5 générations dans l'année.

En automne, les olives piquées tombent, les vers s'enterrent à 10-15 cm pour passer l'hiver, La mouche attend 25° pour sortir l'année suivante, environ la mi-juin.

- La mouche de l'inule visqueuse est associée à cette plante : pas d'inule = pas de Myopites stylatus. En fin d'été, la femelle pond dans l'inflorescence qui prend la forme d'une galle ligneuse avec des petites cheminées. Au printemps suivant la galle tombe au sol, la mouche sort si elle n'a pas été parasitée par une autre espèce, auquel cas ce sera le parasitoïde qui en sortira. A noter qu'il existe plusieurs autres espèces profitant du vivre et du couvert gratuits de la même manière…

- Le parasitoïde le plus intéressant est Eupelmus urozonus. En automne, la femelle pond 1 œuf à l'intérieur de la larve de la mouche de l'inule, dans la galle de l'inule visqueuse, avant que celle-ci ne durcisse. Eupelmus va se développer au détriment de Myopites. Cet hyménoptère en sortira au printemps suivant à la place de l'hôte normal, il parasitera toutes larves disponibles jusqu'en juillet, où sa proie favorite sera la mouche de l'olive. Il peut développer 2 - 3 générations en été au détriment de la mouche de l'olive.

C'est ici que l'on voit l'importance et la fragilité d'un équilibre de la nature. Par exemple : pour faire plus propre on va couper les inules. La population de Myopites va diminuer, comme Eupelmus est resté nombreux, toutes les galles seront parasitées, l'année suivante il n'y aura plus de Myopites pour faire de nouvelles galles, Eupelmus ne passera pas l'hiver, les deux populations risquent de disparaitre.

La même logique tient pour un épandage d'insecticide en vue de tuer la mouche de l'olive : la mouche de l'inule sera tuée aussi, on est revenu au déséquilibre précédent.

Rétablir artificiellement le cycle de prédation naturelle suppose des conditions draconiennes dont les variables ne sont probablement pas toutes connues, mais d'emblée il faut supposer qu'il n'y aucun insecticide sur le site, l'implantation de nouveaux plants d'inule doit aller de pair avec le réensemencement de Myopites et Eupelmus, et puis il faudra attendre plusieurs années avant de voir une quelconque influence notable.

Mais n'a-t-on pas entendu dire qu'il suffit d'espérer pour entreprendre et persévérer pour réussir…

Nous avons encore quelques idées en réserve à l'Abms, à proposer à Jean Tonelli, simplement pour le plaisir de la connaissance de la nature.


Sites à consulter :

www.laclemandine.com

www.radioethic.com

www.monacochannel.mc

www.cestbiolaviea.fr

www.abms06jb.info